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Albine VILLEGER, cogitation, inspiration, agitations scripturales et lignes horizontales de mots sans ego. Prédilections : Les territoires ont un langage, le paysage - Dans un monde de communication et d'image, quelle place pour le le silence en politique ?

Vous reprendrez bien un peu de marque(s) : territoriale ou commerciale ?

Publié le 11 Janvier 2020 par TerritoiresEnPaysage

Du marketing au branding, en passant par le naming, les anglicismes parfois exaspérant des marques évoluent dans l’espace public avec des contraintes accrues, celles des exigences citoyennes de l’engagement sociétal et écologique. Tantôt la demande d’authenticité s’exprime en attente du produit pur, sans emballage, ni logo, tantôt le besoin d’authentifier qui le bio, qui la provenance locale, se manifeste par la confiance accordée aux labels, et leurs déclinaisons proches d’une logique de marque. Oxymore des changements climatiques ou paradoxe consumériste de la transition écologique ? Quoi qu’il en soit, la marque de fabrique locale, les marqueurs territoriaux et, in fine, la marque de territoire incarnent – à tort ou à raison – un dessein éthique, et leur logo, un dessin graphique gage de certificat.

Dessein éthique et dessin graphique pour un destin de marque

En 2017, le rapport Deloitte consacre l’ancrage territorial comme source de compétitivité pour les entreprises. Et les invite même à se rapprocher des collectivités locales ! Le territoire devient une ressource et son identité un actif immatériel que les sociétés pourraient activer dans leur communication RSE, corporate ou interne : il constitue une valeur susceptible de fédérer les collaborateurs ou de séduire les consommateurs. De quoi questionner la summa divisio communication publique/privée … Cette identité territoriale - ressource a été mise en exergue dès 2014 par l’APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat), a fait l’objet en 2015 de la conférence annuelle ReputationWar (« La Marque et le Territoire ») organisée par Christophe Ginisty, entre autres incarnée par L’Occitane, légitimant avec l’ancrage local sa propre existence corporate et pertinence commerciale, et a été consacré en mars 2019 par une jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris permettant à la commune de Laguiole de se réapproprier son nom face à un entrepreneur du Val-de-Marne. 20 marques ont perdu le droit à utiliser « Laguiole » !

Et oui, cette forte plus-value identitaire, dans un univers mondialisé, synonyme de pertes de repères, génère un potentiel économique et vertueux de circuit court, quand les marques commerciales peinent à fédérer des communautés autour de valeurs.

L’attractivité territoriale a une âme, un affect géographique et humain, que l’on se réapproprie, que ce soit pour le meilleur (destination touristique ; pôle de compétitivité ; qualité de vie ; place-making …) ou le pire (repli ghetto de certains espaces urbains de banlieue, devenant des possessions claniques aux fins d’économie souterraine). Et ce marketing territorial, susceptible de se métamorphoser en actif immatériel avec un charisme affinitaire, ne se dévalorise pas du jour au lendemain, au gré d’un bad buzz réputationnel comme ont pu le vivre des marques commerciales, même puissantes telles Volkswagen ou Société Générale ou des enseignes de la mode devant des révélations de fabrication à bas coût, par des enfants.

Qualité ; confiance ; proximité ; utilité

Le quatuor gagnant de l’étude annuelle de l’Observatoire du Sens sur les marques d’entreprise (Observatoire du sens® - Agence Wellcom et Institut Viavoice) s’inscrit dans un contexte où la concomitance d’affaiblissement des missions sociales des politiques publiques et l’émergence de la raison d’être dans le statut des entreprises, issue de la Loi Pacte du 22 mai 2019, bouleverse la répartition habituelle entre l’intérêt général et l’objectif privé. Une chance à saisir pour les entreprises d’après Bertrand Sanarès, président du cabinet Elabe (« Raison d’être : Réconciliation ou fake com ? » in Stratégies, 15 avril 2019) si elles savent éviter l’écueil d’une raison d’être se transformant en raison de paraître, et laissant en jachère, in fine, la raison d’agir. Quand on sait que deux Français sur trois attendent des marques qu’elles changent le monde, et que six Français sur dix leur prêtent ce pouvoir, on se dit que la déshérence de confiance à l’endroit des politiques, peut bénéficier aux entreprises, mais de là à abandonner tout espoir résidant dans les acteurs publics, il y a un pas que le citoyen n’est pas prêt de franchir !

Et d’ailleurs, les potentiels commerciaux des marques de territoire - sur fond de développement endogène et de promotion locale - émergent : c’est la Communauté de Communes de Noirmoutier qui, récemment, après la protection INPI sur son nom accréditent des entrepreneurs insulaires ; Côte d’Azur France s’installe aux Galeries Lafayette avec 13 licences et 140 références ; précurseur en 2014, la Ville de Paris dispose d’une Direction pour ses marques avec 300 produits ; Tout commence en Finistère lance une collection textile dans un cadre participatif et solidaire ; Cabourg ouvre un pop-store avec des produits co-brandés … Point commun : de 8 à 10% reversés pour la promotion du territoire, et le plus souvent des règles éthiques strictes de provenance des matières premières, ainsi que des déclinaisons de savoir-faire locaux avec des entreprises du cru.

Au-delà des gouvernances paritaires entre acteurs publics et privés pour les démarches d’attractivité territoriale, les synergies à développer peuvent inscrire à leur(s) actif(s) des gammes de produits répondant tout à la fois aux exigences de qualité du Made in France et du circuit court : l’avenir est aux marques partagées ! Pas à la disparition des marques …

 

Publié in Brief, décembre 2019, tribune métier

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